• La raison et le réel

    Platon, le Phédon (385 av JC)

    « Mais que dirons nous de la multitude de belles choses comme les hommes, les chevaux, les vêtements ou tout autres choses de même nature qui sont égales ou belles et portent toutes le même nom que les essences? Restent-elles les même ou bien, tout au rebours des essences, ne peut-on dire qu’elles ne sont jamais mêmes ni par rapport à elle-même, ni par rapport aux autres ?

    - Ceci qui est vrai, dit Cérès, elles ne sont jamais les mêmes.

    - Or ces choses ont peut les toucher, les voir et les saisir par les autres sens; au contraire, celles qui sont toujours les mêmes, on ne peut les saisir par aucun autre moyen que par un raisonnement de l’esprit, les choses de ce genre étant invisibles et hors de la vue. (…) Ne disons nous pas aussi, tantôt que lorsque l’âme se sert du corps pour considérer quelque objet, soit par la vue, soit par l’ouie, soit par quelques autres sens, car c’est se servir du corps que d’examiner quelque chose avec un sens, elle est alors attirée par le corps vers ce qui change; elle s’égare elle-même, se trouble, est en proie au vertige comme si elle était ivre, parce qu’elle est en contact avec des choses qui sont dans cet état?

    - Certainement.

    - Mais lorsqu’elle examine quelque chose seule et par elle-même elle se porte là-bas vers les choses pures, éternelles immortelles, immuables et comme elle est apparenté avec elles, elle se tient toujours avec elles, tant elle est seule avec elle-même et qu’elle n’est pas empêchée, dès lors, elle cesse de s’égarer, en relation avec ces choses, elle reste toujours immuablement la même à cause de son contact avec elles, et cet état de l’âme est-ce qu’on appelle pensé. »

    Lucrèce, De la nature

    « Le navire qui nous porte s’avance, tout en paraissant immobile, et celui qui demeure à l’ancre semble se déplacer. (…) La nuit, quand dans le ciel les vents emportent quelques rares nuages, on croit voir les astres glisser à l’encontre des nuées qu’ils dominent, dans un sens tout autre que celui où ils sont emportés. »

    Descartes  

    « Quoique en approchant du feu je sente de la chaleur et même en m’approchant un peu trop près, je ressens de la douleur, il n’y toutefois aucune raison qui ne puisse persuader qu’il n’y a dans le feu quelque chose de semblable à cette chaleur ou à cette douleur. Mais seulement j’ai raison de croire qu’il y a quelque chose en lui qui, quelle qu’elle puisse être, existe en moi ces sentiments de chaleur et de douleur. »

    Berkeley Les principes de la connaissance humaine 1710

    « J’ajouterai que par un procédé identique à celui dont les philosophes modernes se servent pour prouver que certaines qualités n’ont pas d’existence dans la matière ou en dehors de l’esprit, on peut prouver qu’il en est de même pour toutes les qualités sensibles quelles qu’elles soient. Ainsi, par exemple, on dit que la chaleur et le froid sont seulement des afflictions de l’esprit et aucunement les types d’êtres réels existant des les (…*), parce que le même corps qui parait froid à une main semble chaud à l’autre. Pourquoi alors ne pas arguer aussi bien que la figure et l’étendu ne sont pas des types ou ressemblances de qualités existant dans la matière parce que le même œil, à des places différentes, ou des yeux de structures différentes à la même place, les voient différents et qu’elles ne peuvent donc pas être les images de quelque chose de fixe et de déterminé hors de l’esprit ? Mais les arguments précédents ont clairement montré qu’il est impossible qu’une couleur, une étendu ou toutes autres qualités sensibles existent dans un sujet non pensant hors de l’esprit ou à vrai dire, qu’il est impossible qu’il existe quelque chose comme un objet extérieur. »

    *désolée pour les vides, la prise de notes n’est pas tjr facile…


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