• Tracy Chevalier

    La jeune fille à la perle

    Un très beau roman, tout en finesse, d'une très grande poésie. J'ai vraiment aimé l'énigmatique peintre et la douceur de la jeune fille, le tout dans un cadre qui me faisait pensé à un beau soir d'automne.

    Extrait de l'œuvre


    "L'homme m'observait de ses yeux gris comme la mer. Son visage allongé, anguleux, reflétait la sérénité alors que celui de son épouse était aussi changeant que chandelle au vent. Il ne portait ni barbe ni moustache, d'où cette apparence nette que j'appréciai. Une houppelande noire couvrait ses épaules, sa chemise était blanche et son col de fine dentelle. Son chapeau était enfoncé sur la chevelure couleur de brique défraîchie par les intempéries.
    "Que faisiez-vous là Griet ?" demanda-t-il.<o:p></o:p>

    Sa question me surprit, mais je n'en laissai rien paraître.<o:p></o:p>

    Je coupais des légumes pour la soupe, Monsieur."<o:p></o:p>

    J'avais l'habitude de disposer les légumes en cercle, par catégorie, comme les parts d'une tarte. Il y avait cinq parts : choux rouge, oignons, poireaux, carottes et navets. Je m'étais servie d'une lame de couteau pour délimiter chaque part et j'avais placé une rondelle de carotte au centre.<o:p></o:p>

    L'homme tapota sur la table. "Est-ce dans cet ordre qu'ils iront dans la soupe ? me demanda-t-il en étudiant le cercle.<o:p></o:p>

    -Non, Monsieur." J'hésitais, je n'aurais pu expliquer pour quelle raison je les avais arrangés de la sorte. Je m'étais dit que ça devrait être comme ça, un point c'est tout, mais j'avais trop peur d'avouer ça à un monsieur.<o:p></o:p>

    "Je vois que vous avez mis de côté les légumes blancs, reprit-il en montrant les navets et les oignons. Tiens, ceux de couleur orange ne voisinent pas avec ceux de couleur pourpre, pourquoi ça ?" Il ramassa une tranche de chou et un bout de carotte, les secoua dans sa main comme des dés.<o:p></o:p>

    Je regardais ma mère, elle hocha discrètement la tête.<o:p></o:p>

    "Les couleurs jurent parfois quand elles sont côte à côte, Monsieur."<o:p></o:p>

    Il fronça les sourcils, de toute évidence il ne s'attendait pas à cette réponse. "Dites-moi, vous passez beaucoup de temps à disposer les légumes avant de faire la soupe ?<o:p></o:p>

    -Oh non ! Monsieur", répondis-je confuse, je ne voulais pas qu'il crût que je gaspillais mon temps. Du coin de l'œil, j'entrevis un mouvement. Ma sœur Agnès nous épiait, tapie derrière le montant de la porte. En entendant ma réponse, elle avait secoué la tête. Il était rare que je mente. Je baissai les yeux.<o:p></o:p>

    L'homme tourna légèrement la tête, Agnès disparut. Il laissa retomber les morceaux de carottes et de chou parmi leurs semblables. Le chou se retrouva en partie avec les oignons. J'aurais voulu tendre la main pour le remettre à sa place. Je me retins, ce qu'il devina. Il me mettait à l'épreuve.<o:p></o:p>

    "Assez bavardé comme ça", déclara la femme. Si agacée fût-elle par l'attention qu'il me portait, c'est moi qu'elle fustigea du regard. "Nous disons donc à demain ?" Elle se tourna vers l'homme avant de sortir majestueusement de la pièce, suivie par ma mère. L'homme jeta un dernier coup d'œil à ce qui devait être la soupe, puis il me salua de la tête et suivit les femmes. " (Pages 15 à 17)<o:p></o:p>

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