• Je vais à la bibliothèque

    Il fait un peu froid, un peu gris. Un vent humide. Je remonte la rue du Palais. J’arrive place Verdun mais aujourd’hui je n’obliquerai pas vers la place de Reims, le chemin de mon lycée. Le vent s’engouffre, violent toujours, dès qu’on quitte le couvert des arcades, à l’approche de la place. Je baisse la tête mais j’aime ça : le froid qui agrippe les cheveux, balaie les mèches. Plus question d’être « bien coiffées », tan mieux.
    A droite, je prends la rue Gargoulleau. Bientôt, le porche haut et large, la cour pavée. Bientôt le grand escalier de bois. Parfois des gens que je vais croiser, qui descendent les marches. Des adultes avec qui j’ai l’impression de partager quelque chose. Comme moi, ils viennent ici, eux aussi. Nous avons en commun ce lieu, ce qui nous y amène.
    Ici, j’ai l’impression que je suis semblable. J’oublie tout ce qui, d’ordinaire, laisse toujours un écart entre moi et les autres. Ici je partage tout. Le bien-être chaud, le calme, les grandes tables de bois, la lumière douce. J’aime penser au vent qui secoue le feuillage des arbres. Ici, rien de mauvais ne peut m’arriver.
    Nous partageons une certaine quiétude. Personne ne gêne personne. Respectueux. Nous prenons soin de notre silence. Nous prenons soin de notre rêve. Il est précieux. Nous retenons le poids du corps, le parquet ne craquera pas. Nous poussons doucement les portes. Nous posons les couvertures de nos livres sans bruit sur le bois des tables. Ailleurs peut-être, dans nos maisons, il y a des cris. Tant que je suis ici, je suis dans une paix totale. Parfois, je lève les yeux, juste pour entrevoir les visages penchés avant de replonger avec d&lice dans mon livre, accompagnée. Parfois je surprend une tête dressée, un regard rêveur. Ces regards-là, je les aime, je les comprends. Ils ne prennent rien au monde. Ils se donnent sans être pris. Si loin venus du présents au monde, d eplus profond de soi. Et libres.
    La seule façon au monde qui m’importe.
    Oui, ici, je suis semblable.
    J’aime la bibliothèque.

    Jeanne Benameur.


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